Les toutous furent très discrets et muets lors du dernier conseil. Seuls, Pluto et Ouioui eurent droit à la parole.
Les candides présents, en panne d'idées, comme le fit remarquer Ouioui, posèrent des questions pour être éclairés sur l'actualité de la gestion de Ouiouiville. Leur proximité avec les élites* étant inexistante, leur seul accès au savoir dépendait de la bonne volonté des deux chefs.
*élites : personnes érudites qui conduisent les peuples vers le bonheur républicain.
Candidun, en chef de file des candides, posa quelques questions de forme. Il s'étonna que Péponnette, rédactrice en chef des comptes rendus du conseil, ne se soit pas rendue compte de l'absence de certains toutous au conseil précédent. Elle affirma, hargneuse, qu'elle n'avait pas remarqué qui était présent, son rôle se limitant à signer ce qui était écrit. Sa véhémence voulant l'entraîner vers des règlements de comptes (épistolaires), Ouioui lui intima l'ordre de se taire : ce qu'elle fit!
Puis, ne souhaitant pas s'éterniser, il accéléra le mouvement...
L'épineuse question de l'école privée raviva les querelles!
Pluto, au bord de l'apoplexie, s'en prit à Candideux qui osa, une fois de plus, défendre l'école privée de ouiouiville en demandant qu'on lui donne les moyens de subsister comme le prévoit la loi. Elle rappela que Ouioui ne la respectait pas , pas plus qu'il ne respectait les responsables qu'il avait nommés pour s'en occuper et qui avaient reconnu dans une récente réunion , certaines minorations de charges...
Ouioui réaffirma sa position initiale qui était : non ! non! Ses responsables ne servaient donc à rien. C'est ce que l'on appelait : la démocratie participative qui aboutissait inéluctablement à la même conclusion : oui oui pour les amis, non non pour les autres!
Candisaint releva de nombreuses anomalies dans les comptes rendus de la gestion de l'eau; Ces erreurs fréquentes servaient -elles aussi à brouiller les cartes ou dénotaient-elles un manque de sérieux dans la préparation des dossiers? Ouioui admit qu'il était le seul responsable ,personne d'autre ne semblant travailler.
Pluto sortit de ses gonds. Il devint subitement clair que ouioui et son mentor* (le guide suprême de la marche en avant) en voulaient à cette ( dixit) : "droite revancharde, rétrograde* et réactionnaire* qui menait un combat d'un autre temps et qui voulait tout privatiser!"
*mentor : conseiller principal
*rétrograde : qui marche à reculons
*réactionnaire : qui s'oppose au progrès
La haine qui les animait , subitement dévoilée, laissa les candides abasourdis. Cela ne correspondait pas à l'image qu'ils s'efforçaient de donner afin d'attirer des "investisseurs". N'était-ce pas dans ces contradictions que résidait le secret de leur échec à faire venir à eux des gens différents , qui procureraient de la richesse dont ils pourraient ensuite se servir?
Coin coin ne comprenait vraiment pas pourquoi le fait de privilégier l'école et l'enseignement des enfants, de vouloir des dossiers bien préparés et avec des chiffres qui correspondaient à la réalité, dénotait un caractère "rétrograde et réactionnaire"
Est- ce la proximité de l'école évoquée avec une divinité supérieure, en qui certains croyaient , mais différente du dieu Pastagas adoré dans ouiouiville qui suscitait une telle haine et un tel rejet? On était revenu à la guerre des religions
Coin coin craignait quant à lui , que l'adoration du nouveau dieu ne fasse perdre à beaucoup l'essentiel de la vie : le bon sens et le respect des autres , et , ne brouille un peu plus, une vision déjà très floue, d'une politique de progrès pour tous ....
Mais les deux chefs devaient penser que : "le pouvoir sans abus perd le charme "
Paul Valery
